Avis : ★★★★★
Anniversaire en novembre, lecture du Prix Goncourt en décembre. Et chronique en janvier, je n’ai pas été rapide… Il faut dire que j’ai dégusté ce roman de Nicolas Mathieu « Leurs enfants après eux ». N’étant pas membre de l’Académie, il ne m’appartient pas de juger du bien-fondé de l’attribution de ce prix. Je dirai simplement que, même si ce ne fut pas un coup de foudre, j’ai beaucoup, beaucoup aimé ce roman et à plus d’un titre.
D’abord parce qu’il m’a touchée à titre personnel.
J’ai retrouvé, au-delà des années quatre-vingt-dix, celles que j’ai vécues vingt ans plus tôt, dans la même région. J’étais enseignante dans une ville dominée par les hauts fourneaux. J’y ai retrouvé mes élèves de « Lameck », comme l’appelle l’auteur. Ils n’avaient pas pour prénoms Anthony, Hacine, Steph’ ou Clémence, mais ils étaient semblables. Des élèves souvent en perdition, issus de famille travailleuses mais pauvres, écartelés pour certains entre leur culture d’origine et celle de leur pays d’accueil. Ces élèves, attachants, étaient souvent perdus, pessimistes et sans espoir d’avenir brillant. Elevés dans la ZUP, ils préféraient souvent battre la semelle au centre commercial voisin plutôt que de s’ennuyer au collège, trop directif à leurs yeux. Et pourtant, à cette époque les hauts fourneaux fumaient encore.
J’ai ensuite apprécié l’intelligence et la pertinence des propos de l’auteur.
J’ai aimé l’acuité avec laquelle il présente chacun de ses personnages, la justesse de son regard sur leurs faiblesses, leurs rêves impossibles, leur petite vie. Celle de leurs pères est encore plus sombre qui triment sans reconnaissance parce que… »… il (c’est le père d’Hacine qui parle) avait vite compris que la hiérarchie au travail ne dépendait pas seulement des compétences, de l’ancienneté ou des diplômes. » Véritable fresque à la fois politique et sociale, il s’agit là aussi d’un portrait de l’Adolescence (avec un grand A) affuté, recherché, souvent désespéré et pourtant, parfois rieur. Pas de jugement dans les mots de Nicolas Mathieu qui se contente d’observer, de comprendre, de décrypter. L’amour y est aussi traité ou plutôt le désir. Les scènes de sexe ne nous sont pas épargnées mais nous montrent que dans certains domaines au moins une certaine égalité existe. Anthony et Hacine, Hacine et Anthony, si différents par leur origine et pourtant, au bout du compte, si semblables… dans l’illusion d’une cohésion sur fond de coupe du monde de foot et des notes de « I will survive ».
L’écriture est belle, simple, mais chantante, sans fioriture mais élégante. Mon intérêt a cru au fur et à mesure que les pages se tournaient.
Je n’ai pas encore lu son premier roman mais à travers « Leurs enfants après eux », j’ai rencontré un auteur sacrément talentueux.
Editeur : Actes Sud
Date de Parution : 22 Août 2018
Nombre de pages : 425
Tel que tu m’en as parlé… 😉
Oui… et j’aimerais tant pouvoir en discuter avec l’auteur, à bâtons rompus.