Avis : Coup de foudre

Lorsque j’ai lu « J’ai tué papa » de Mélanie Richoz, je ne connaissais pas cette auteure.

Mais le livre m’a emportée par l’écriture d’une justesse incomparable, les mots superbement choisis pour nous parler d’Antoine, ce petit garçon différent, l’absence de jugement, l’empathie en embuscade. Depuis, je l’ai rencontrée et j’ai compris. Tout ce que l’on peut ressentir en lisant ses romans, on le découvre dans son sourire, ses yeux rieurs, sa voix douce. Et son dernier roman « Le Bus », de la même manière, m’a prise à son bord. Le voyage fut magique et le coup de foudre au bout de la ligne.

Il ne s’agit pourtant pas d’une histoire tranquille.

La vie de ces femmes Jeanne, Cerise et Léonie, trois sœurs, mais aussi Chloé, la fille jalousée de Léonie, nièce adorée de Cerise, est chaotique. Chacune souffre à sa manière dans son corps ou dans son cœur. Si Cerise sert de fil conducteur au volant de son bus, elle qui a si souvent rêvé d’en être percutée, chacune a sa place à tour de rôle. Ce livre a quelque chose d’universel qui peut trouver un écho chez nombre de femmes.

Dans ce petit texte d’à peine 140 pages, Mélanie Richoz traite de beaucoup de thèmes, toujours d’actualité et, notamment, la pression sociale faite aux femmes en terme de maternité, le désir d’enfant, le regret de ne pouvoir l’assouvir ou la peur de ne pas être à la hauteur.  Elle aborde, en filigrane, la place des hommes, les non-dits qui détruisent, et les relations familiales toujours compliquées. On y découvre les difficultés relationnelles d’une – comment dire une fratrie composée uniquement de sœurs ? – famille de filles… avec ses jalousies, ses comparaisons, ses incompréhensions.

L’auteure a une écriture qui, « vole, vole, vole… », et je me suis envolée avec elle. Musicale, poétique, fluide, légère, elle réussit à enluminer les moments les plus durs, dépose un voile sur les blessures, adoucit les calvaires, embaume les cœurs et les aide à supporter l’indicible.

                    « Cerise
                    aime
                    les
                    silences.   

… A vingt ans, elle en avait pourtant peur, des silences ; avant de pratiquer une activité professionnelle, sous la menace de ses parents qui s’insurgeaient contre son inertie face à un poste de télévision allumé en permanence… Elle essaie d’éloigner ces assourdissants regrets qui, comme les mouches n’ont pas de mémoire et reviennent, avec une bête insistance, là où on les a chassés. »

Alors, oui, par moment c’est noir, gris, sans couleurs

« … le noir et son infinie panoplie de gris avaient gommé la couleur dont le combat lui semblait non seulement vain mais inutile.
                    Le noir et le blanc,
                    ses dégradés et ses nuances,
                    plus subtiles que le passage abrupt d’une couleur à une autre, pour accéder à ce qui se cache, derrière les choses, , les mots, les évidences,
                    pour transcender leurs ombres. »

C’est pourtant un magnifique roman, teinté aussi du rose de l’empathie, qui forcément touche les femmes, mais doit bien évidemment parler aux hommes.

J’ajouterai un bon point supplémentaire pour la couverture d’une beauté sobre, à l’image de l’écriture et qui résume à elle seule le sujet du roman.

Editeur : Slatkine
Date de Parution : 20 Août 2018
Nombre de pages : 144