Alfred a la quarantaine. Il habite la région parisienne avec femme et fille. Il vient de perdre sa mère et se rend en Mayenne, dans la maison de cette dernière, perdue dans les bois. Il y reste seul pour préparer les obsèques. Aller plus avant dans la présentation serait enlever tout attrait au récit. Il faut absolument se laisser engloutir dans la vie d’Alfred, le suivre, pas à pas, savourer – redouter ? – sa nouvelle vie, en tous les cas l’écouter.

L’histoire est luxuriante, faite de mille et une anecdotes, de secrets, de souvenirs, de mises en abîme.

C’est un travail de deuil hors du commun auquel nous assistons. Tel le fœtus dans le ventre de sa mère, le narrateur se replie dans celui de sa maison, en écoute les bruits, les chansons qui s’élèvent, les voix qui se font entendre. A la lisière du réel, de l’ésotérisme, de l’onirisme, de l’hallucination, le texte m’a emportée très loin. Bien souvent, tel un enfant qui se cache les yeux de ses mains devant un film d’horreur, j’ai eu du mal à franchir la page à la fois attirée par la suite et terrorisée à l’idée de ce que j’allais y découvrir. Petit à petit, Alfred perd la notion du temps. La forêt, les arbres qu’il enlace, les êtres qui la peuplent, remplacent la civilisation, sa famille et ses proches. Petit à petit il s’éloigne de la réalité pour s’en confectionner une différente, la sienne.

L’écriture est magnifique, brillante, précise, travaillée.

J’imaginais l’auteur tête penchée, langue tirée, ordonnant de petites étiquettes de mots de la plus belle manière, comme les élèves s’y appliquent au cours préparatoire. Les chapitres courts nous obligent à avaler les lignes, malgré la lenteur imposée par certaines phrases ondulantes qui nous parlent des arbres, des oiseaux, de leurs chants. Et même si des longueurs auraient pu être évitées, je me suis laissée entraîner.

Sans doute parce que ma mère n’est plus là depuis peu de temps, sans doute parce que, si je n’ai pas vécu dans une forêt, je l’ai parcourue maintes fois aux côtés de mon grand-père quand il partait « cuber » les arbres, peut-être parce que, si je ne suis pas originaire de la Mayenne, j’en étais frontalière et surtout parce que je dois bientôt, comme le narrateur, retourner dans la maison de mon enfance, ce roman a résonné en moi douloureusement. Il me laisse à la fois désemparée et au bord des larmes, mais pleine d’admiration pour le talent de l’écrivain, capable de faire naître de telles émotions.

Editeur : Les Escales
Date de parution : 25 Août 2016
Nombre de pages : 224