Oui, mais quels mots seront assez forts pour traduire ce sentiment si particulier, cette sensation de douleur, cette admiration sans borne pour ceux qui réussissent à dépasser leur chagrin, à penser plus à l’autre qu’à eux-mêmes, lui apporter une dernière marque de respect, faire que son passage d’un monde à l’autre soit doux et ensorceleur ? L’histoire pourrait paraître simple puisqu’il y est question de vie et d’amour, sauf que justement il y a aussi la mort. Sali et Bartolomeo s’aiment, en effet, depuis trente ans quand, un jour, sur un sentier des Pyrénées lui, l’homme aimé est victime d’un AVC.

En 138 petites pages, riches et intenses, nous nous retrouvons aux côtés d’un homme inerte et de sa femme, de ses enfants Maïa et Gabin. Grâce à une écriture hors du commun, à la fois travaillée, virevoltante, forte et délicate elle nous promène dans les méandres de leurs souvenirs, de leurs craintes, de leur chagrin, de leurs questions. Ses phrases courtes, ses mots taillés à la hache, ses réflexions à l’emporte-pièce parlent aussi de ce que nous devons à un être aimé, de ce que l’on doit faire, de ce que l’on peut faire.

Naturellement, cette lecture m’a bouleversée, m’a interrogée sur mes capacités à vivre de tels moments. Car ce roman, à la fois dramatique et lumineux, mais toujours juste, questionne sur la fin de vie, les responsabilités des aidants, les décisions à prendre. Peut-on décider à la place de quelqu’un qui n’est déjà plus là ? Marine Westphal décrit à merveille une famille dévastée par le chagrin, la perte de repères, une famille à la recherche d’une reconstruction.

Magnifique histoire, emplie d’humanité, où l’horreur de la maladie, la peur d’un corps qui se dégrade, le disputent à la poésie présente à chaque page, « La Téméraire » est la preuve, s’il en était besoin, que la valeur n’attend pas toujours le nombre des années.

Editeur : Stock
Date de Parution : 4 Janvier 2017
Nombre de pages : 144