« MAINTENANT JE DOIS FAIRE BIEN ATTENTION, se dit Jonathan. Maintenant. Cela commence maintenant. Il posa ses mains tremblantes sur ses genoux et frotta lentement, avec son pouce droit, la phalange de son pouce gauche, pour se calmer. C’était sa dernière matinée de détention. »

Ainsi commence le roman. Et je ne regrette pas d’avoir, comme d’habitude, délaissé la quatrième de couverture. C’est en effet, uniquement à la page 162 que le mot fatidique – et ce sera la seule fois –  est prononcé, le mot qui explique, même si l’on devine la raison de l’incarcération au fil du récit.

Je n’en dirai donc pas davantage sur l’histoire racontée ici, celle de Jonathan, incarcéré et libéré faute de preuves réelles. Il rentre chez lui, et reprend sa place auprès de sa mère dans une maison délabrée et en voie de démolition. Il va retrouver sa petite vie étriquée, sa solitude et son usine de poissons. Ne pas connaître l’essentiel permet de savourer la profondeur de l’écriture, la tension qui s’en dégage et donne envie à la fois de tourner les pages rapidement tout en souhaitant s’arrêter, craignant le pire. L’atmosphère est étouffante au propre – il fait très chaud tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la maison – comme au figuré. L’écriture de l’auteure, ses phrases courtes, saccadées, traduisent parfaitement les affres dans lesquelles se noie Jonathan, les difficultés qu’il rencontre à se dominer, à mettre en pratique ce qu’il a appris, à faire « ses exercices ».

Même si, dans ce roman, il est question de quelque chose de grave, la romancière se garde de juger, elle se contente de décrire, d’expliquer.

La tension est permanente et c’est un exploit de la rendre si réelle avec des mots d’une grande simplicité. « Sentant ses mains se crisper de nouveau, il joignit les extrémités de ses doigts et appuya jusqu’à ce que le craquement de ses articulations lui apporte un peu de soulagement. Il se perdit dans les méandres de pensées troublantes. » Alors, il y a bien ici et là, des redites, des actions réitérées et lancinantes, mais elles ajoutent au malaise qui de page en page se fait plus important, plus haletant, plus difficile à supporter. Comme la tanche, qui aurait peut-être pu l’aider, ne lui prête-t-on pas des pouvoirs de guérison, et qui petit à petit se laisse couler au fond de l’aquarium, Jonathan lui aussi sombre sans personne pour le comprendre.

Ce récit apporte, de mon point de vue, des éléments qui, loin de permettre le pardon pour les fautes horribles commises par certains, donnent au moins quelques explications.

Un premier roman noir, utile et très fort dont on ne ressort pas indemne.

Editeur : Belfond
Date de Parution : 17 Août 2017
Nombre de pages : 224

Traduit du néerlandais par Isabelle ROSSELIN