Terminer le roman de politique fiction « En pays conquis » de Thomas Bronnec à deux jours d’une élection présidentielle n’est pas anodin. Ne l’est pas non plus la rencontre avec l’auteur organisée par le site Lecteurs.com à Lyon dans la cadre de Quais du Polar. L’est encore moins le fait de ne pouvoir, comme d’habitude, écrire ma chronique, vierge de toute information relative au roman.

Pour autant, la lecture en a été plaisante, séduisante et enrichissante. La politique, je m‘y intéresse beaucoup, trop parfois. Je lis la presse spécialisée, écoute et regarde les émissions sur le sujet et… ne me fais guère illusion sur les personnes. Et si tel n’avait pas été le cas, ce récit m’aurait ouvert les yeux même si…

« Ce roman est une œuvre de fiction. Les personnages ne sont rien d’autre que des constructions intellectuelles ».

Les faits sont rapidement campés : L’Elysée est à gauche mais l’assemblée à droite, sans majorité. C’est Hélène Cassard, candidate de droite, qui est nommée Premier Ministre. Son choix est simple : former un gouvernement avec la gauche ou se rapprocher du Rassemblement national, parti d’extrême droite.

A partir de là, Thomas Bronnec nous promène dans les coulisses du pouvoir, nous fait visiter les lieux d’habitation de ceux qui le composent, nous donne à entendre leurs conversations, leurs petits arrangements, leurs manigances nous convie aux rencontres, nous explique leurs choix. Sans suspens aucun – même si dès le premier chapitre un mort s’invite dans l’histoire – par petits chapitres, il nous présente les membres du gouvernement, à tour de rôle, leurs conseillers, y compris ceux de l’ombre.

J’ai beaucoup aimé la place de l’auteur qui ne juge pas, se contente de dire, de nous montrer le côté sombre de la société, la soif de pouvoir et de reconnaissance, la manipulation constante. Il le fait très simplement, par touches feutrées, sans aspérités. J’ai beaucoup aimé l’écriture qui, même si elle a parfois un parfum de poésie en entrée de chapitre

« Il regarde la mer au loin, les bras croisés, les yeux plissés sur l’horizon bouché par un ciel gris et des nuages noirs qui menacent d’exploser à tout moment. »,

est si linéaire, si tranquille, qu’elle rend audibles les chuchotis des protagonistes toujours à l’affût d’une nouvelle, d’un coup fourré, d’une décision inconnue, que l’on apprend en aparté après une réunion le verre à la main. J’ai senti derrière l’auteur poindre le journaliste qui met ses connaissances approfondies du système au service de l’imaginaire. Tout est fiction, certes, mais je n’ai pu m’empêcher de trouver quelques ressemblances à ces personnages nés de « constructions intellectuelles« . Je me suis aussi réjouie quand, au détour d’une phrase, un semblant d’honnêteté s’est fait jour :

« Si elle a choisi d’être là où elle est, c’est pour servir l’Etat, le peuple, pas pour servir ces politiciens ivres d’eux-mêmes, de leur puissance et de leur éclat, et qui balaient tous ceux qui se trouvent sur leur passage en les humiliant et en les traitant comme des esclaves. »

Oui, mais il ne s’agissait pas de la réflexion d’un élu…Fiction, vraiment ? Je l’espère de tout cœur

Editeur : Gallimard
Date de Parution : 19 janvier 2017
Nombre de pages : 240