Il raconte l’histoire de Théo, jeune élève de sixième qui se cache sous l’escalier au collège pour boire des alcools forts, de Mathis, son copain, qui le suit comme son ombre malgré ses réticences, de Cécile, la mère de Mathis, et d’Hélène professeur des deux enfants. La romancière, de son écriture subtile, à la fois simple et profonde, toute en retenue dit les choses. Elle raconte les peines et les chagrins, les difficultés à vivre de l’enfance mais aussi celles des adultes. Et surtout elle interroge sur « les loyautés », intrigant, ce terme employé au pluriel. J’aurais envie de recopier ce premier paragraphe, sorte de prologue dans lequel elle explique « … liens invisibles qui nous attachent aux autres… les lois de l’enfance qui sommeillent à l’intérieur de nos corps… » car il s’agit bien de cela. Nous avons tous en nous quelque chose d’enfoui qui un jour refait surface.

Tout est souffrance dans ce texte.

Théo souffre de la séparation de ses parents, de l’attitude de sa maman devenue hystérique, de son père qui part à vau l’eau. Il souffre aussi du grand écart que cela implique :

« Voilà ce qu’il doit effectuer chaque vendredi, à peu près à la même heure : ce déplacement d’un monde à l’autre, sans passerelle, ni passeur. Deux ensembles pleins, sans aucune zone d’intersection. »

Hélène ressent cette souffrance qui réveille la sienne d’enfant battue et qui la conduit à dépasser les limites de sa fonction. Cécile, la maman de Mathis, souffre de la découverte d’un mari qui n’est pas celui qu’elle imaginait. Et pourtant chacun essaie de rester loyal, loyal à l’enfant qu’il a été, loyal envers son copain – Mathis se rend bien compte qu’il devrait faire quelque chose pour Théo, mais parler serait le trahir – alors il se tait. Cécile reste loyale à un mari dont elle a trouvé la faille, là aussi c’est le silence.  Ainsi, sans en avoir l’air, sans prononcer les mots, Delphine De Vigan traite de multiples faits de société forts : la séparation, la garde alternée, les enfants battus, les relations de couple déséquilibrées, la part sombre de chacun et la difficulté à dire, à révéler.

Parler, c’est protéger, mais c’est aussi dénoncer.

J’ai aimé, beaucoup aimé ce livre qui traite des maux avec sobriété et de l’espoir que je veux absolument voir au bout des lignes… « Le vent soulevait la couverture de survie, elle semblait produire sa propre lumière. »

Editeur : JC Lattès
Date de parution : 3 Janvier 2018
Nombre de pages : 208