La sélection réalisée par l’équipe dirigeante de l’association « Les 68 premières fois » dédiée aux premiers romans est décidément très intéressante en cette rentrée 2017. Et ce n’est pas « La fille du van », premier roman, donc, de Ludovic Ninet qui va modifier mon point de vue.

L’auteur a utilisé tous les ingrédients nécessaires pour faire de son roman un véritable plaisir de lecture.

La construction du récit est intéressante qui, loin d’être linéaire, utilise le passé pour expliquer le présent et passe de l’un à l’autre avec beaucoup de doigté. Ses personnages sont tous cabossés mais particulièrement attachants : Sonja à la magnifique chevelure rousse, « La fille du van », un van couleur lie de vin – dommage qu’il soit bleu sur la couverture – est une ancienne infirmière. Partie soigner, mais aussi faire la guerre en Afghanistan, elle en est revenue meurtrie et tente de survivre à ses cauchemars…

« Elle sait qu’elle perd la boule, le mal n’est pas visible, il ne lui manque ni bras, ni jambe, juste une case que la guerre lui a prise, mais qui va la croire ? »

Pierre, un ancien champion olympique de saut à la perche, reconverti en marchand de poulets rôtis ambulant traîne sa peine et ses rêves anéantis de sportif déchu…

« Pierre aussi se sait fou – il dit fou, il préfère, c’est toujours mieux que malade ou dépressif… »,

Sabine caissière qui aurait dû être comédienne et Abbes fils de harki au passé judiciaire long comme un jour sans pain complètent le quatuor. Toutes ces âmes fatiguées, blessées, fragiles tentent ensemble de se construire un avenir nouveau, s’entraident, se soutiennent. Le décor n’est pas en reste qui donne la part belle à la côte héraultaise et apporte sa lumière. L’étang de Thau a la vedette qui de Mèze à Sète, en passant par Balaruc nous enchante de ses paysages de mer et de garrigues.

Mais l’important dans tout ça, est aussi l’écriture. L’écriture de Ludovic Ninet, sèche, rapide, tonique, parfois lancinante, mais toujours sensible, traduit parfaitement les sentiments, les affres, les terreurs. Je n’ai rien tant admiré que les passages liés à Sonja et ses frayeurs qui m’ont fait vivre de l’intérieur ses traumatismes ramenés de la guerre. D’une efficacité redoutable par leur côté visuel, les mots donnent aux personnages une profondeur peu commune et les font vivre, renaître ou sombrer.

Il s’agit là d’un roman fort, noir et lumineux à la fois, et vraiment bouleversant.

 

Editeur : Serge Safran
Date de parution : 17 Août 2017
Nombre de pages : 208