Il était une fois, une trentenaire, Bénédicte Barbaret Duchamp ou BBD si vous préférez, qui se trouva fort dépourvue quand, à son retour de congé de maternité, elle se rendit compte que sa belle place de cadre dans une agence de communication avait été réduite comme peau de chagrin. Ses attributions avaient été revues à la baisse et certaines tâches retirées. Pour autant, effacée par habitude

« tu es issue d’une procession de femmes pour qui s’effacer est devenue une activité. »

et prompte à se mettre à l’ombre plutôt que d’en faire, elle n’entendit pas réagir… c’est la crise, elle comprend.

Le premier roman d’Anne-Sophie Monglon, « Une fille au bois dormant », écrit à la deuxième personne du singulier, traite en fait de beaucoup de sujets universels dans lesquels chacun peut se retrouver : l’entreprise et ses chausse-trappes, la place de la femme dans le couple et la société, le binôme mère/enfant, la recherche de soi. Et si le titre laisse à imaginer un conte, il n’en est rien. Nous sommes bien dans la vraie vie. Et, sans avoir moi-même eu à vivre ce genre de « mise au placard », en bonne fonctionnaire que j’étais, j’ai totalement fait corps avec l’héroïne du roman et vécu ses questionnements au fur et à mesure de ma lecture.

J’ai beaucoup aimé l’écriture très maîtrisée de l’auteure,

au style à la fois classique et original, où chaque expression semble équilibrée et parfaitement soignée. J’ai aimé aussi l’utilisation du carnet d’éveil de Pierre, le bébé de Bénédicte, en guise de tête de chapitres comme si mère et fils grandissaient ensemble, comme si l’enfant aidait sa mère à grandir. J’ai aimé la sensibilité présente tout au long du récit, cette manière douce et tranquille, sans jamais un mot plus haut que l’autre, de tâtonner pour trouver son chemin. J’ai aimé… tellement difficile de trouver les termes justes pour partager un ressenti si fort, pour dire la tendresse éprouvée pour les personnages, celui de Bénédicte tout en effacement, je l’ai déjà dit, celui de Matthieu son mari amoureux et désireux de l’aider, de l’entourer, Guillaume, ce doux professeur de chant qui la tirera de l’ornière.

A travers cette atmosphère embrumée, Bénédicte avance, lentement, tranquillement au fil des jolis mots de la romancière, « Tu as longuement tourné autour du mot et tu viens de l’identifier. » Et, neuf mois plus tard comme un second accouchement, le « TU » se transforme en « JE »… La belle se réveille et sort du bois. Elle peut regarder son enfant, elle est là.

Très, très beau roman… de mon point de vue.

Editeur : Mercure de France
Date de parution : 31 Août 2017
Nombre de pages : 192