10h. Elle arrive dans la salle de ce restaurant où nous sommes une dizaine de lecteurs réunis dans l’attente d’une rencontre privilégiée. Elle, c’est Ingrid ASTIER, auteure de romans policiers, venue parler de son dernier :  « Haute-Voltige »… et des autres…

Elle arrive, avenante, nimbée d’une cascade de cheveux blonds aussi flamboyants que son sourire, aussi éblouissants que ses yeux. Elle s’assoit, se met à parler et là, dix paires d’yeux écarquillés boivent ses paroles, dix bouches ouvertes la scrutent avec une attention que pas un souffle ne dérange. Elle ne parle pas de son livre, elle le vit, elle raconte, raconte, comment elle triture la réalité de départ à l’aide de son imaginaire. A la fois bâtisseuse et dentelière comme elle se définit elle-même, elle orne les bases de ses récits d’envolées de rêve. Un fait divers devient alors une véritable cathédrale moirée des reflets que le soleil avive au travers des vitraux.

Déflorer l’histoire, en dévoiler les arcanes, n’est pas le sujet. Elle en parle plus à travers ses démarches d’écriture, l’isolement total dans lequel elle se réfugie pour entendre sans perturbation aucune la voix de chaque personnage. Elle en parle à travers son immersion intégrale au sein des milieux dans lesquels ils évoluent. Elle en parle en évoquant chaque détail, son enracinement dans un fait réel, son écriture nimbée d’imagination. Chez Ingrid Astier, tout est pensé, travaillé, enluminé. Elle connaît parfaitement la langue de chacun des protagonistes et peut passer sans coup férir, avec un égal bonheur, de l’élégance du phrasé des « grands » à la crudité des truands. Son écriture est d’une grande beauté et le livre, loin d’être ce que l’on appelle un « page turner » se déguste et s’écoute car l’expression est musicale, douce ou rugueuse, dansante et sautillante.

Rencontrer Ingrid ASTIER, c’est plonger – sans combinaison – dans une eau froide et tourbillonnante – arrêt sur cœur –  dans un monde de souvenirs d’enfance faits d’escalades, d’arbres grimpés et dégringolés, de goûters festifs et de rires. Rencontrer Ingrid ASTIER, c’est se retrouver propulsés dans l’habitacle d’un hélicoptère, dans le monde de Tartakover, grand joueur d’échecs français du 20ème siècle qu’elle cite en épigraphe – pas banal – sur les toits de Paris et jusqu’à l’église Saint Eustache. Rencontrer Ingrid Astier, c’est rire avec elle à gorge déployée, car, oui, elle est d’une générosité hors du commun, sans chichis, sans la suffisance qu’ont parfois les grands de ce monde, et, même si elle n’apprécie pas particulièrement qu’on la prenne en photo parce que, finalement on est là pour parler et les mots en soi sont déjà des images, elle est d’un naturel grandiose, partageuse de ce qu’elle aime. Elle transpire la joie de vivre, l’amour des autres, le bonheur et l’empathie pour son prochain.

Ingrid ASTIER est de ces personnes que l’on a peine à quitter, qui permet d’entrevoir un univers fantastique, qui demeure en filigrane dans vos souvenirs.

Véritable conteuse de sa vie, elle nous a tous emportés dans les moments magiques qu’elle a vécus, terreaux de ses écrits. Elle nous a fait l’honneur de se dévoiler sans retenue, de nous ouvrir grand les bras de ses rêves et de ses désirs, elle nous a révélé sa vie sans fard, sa vie solitaire des moments d’écriture quand, tel un marin au long cours, elle quitte la terre ferme pour s’isoler, refusant de perdre la moindre intonation d’une voix, la moindre miette, le moindre détail de ses personnages. Elle n’a pas craint de nous confier qu’elle se retirait dans le silence, en elle-même, pour un tête-à-tête avec chacun d’entre eux. Et quand l’heure est venue de nous quitter, c’est elle, cette grande dame du roman policier français qui nous a remerciés.

Fin d’une rencontre qui touche au féérique… MERCI à vous, Ingrid !  Et BON ANNIVERSAIRE ! C’était le 2 avril, et nous ne le savions pas.