Ce nouvel ouvrage commence par une énigme : « Puisque vous êtes en train de visionner cette cassette, c’est que je suis déjà mort et que, à tort ou à raison, vous avez trouvé la caisse. » Cet homme qui parle, c’est Raymond. Il a 46 ans et il est garagiste. Sa femme Mathilde, 39 ans, est décédée six mois plus tôt, renversée par un chauffard devant leur garage… En lisant ces quelques premières lignes, j’ai pensé m’attaquer à un polar. Ce n’était pas vraiment ça.

Lire ce récit revient à déguster un chocolat fourré.

Il y a d’abord l’enrobage, cette écriture musicale, poétique, chantante comme l’accent de méditerranée. Certains mots que seuls les gens du Sud savent lire « dans le texte » ont le parfum de la lavande, l’arôme du basilic, le moelleux d’une fougasse aux olives. Les phrases sont courtes mais vigoureuses, elles rythment les coups de pédales des balades en vélo ou le trot du cheval à travers la Camargue. Rien d’ostentatoire, non, une simplicité de bon aloi pour chuchoter l’histoire à l’oreille du lecteur. Et je tourne les pages, et je tourne les pages…

Et, quand l’enrobage a fondu, je découvre la crème, la ganache, le caramel beurre salé, les personnages, quoi. Chacun à son tour soliloque, donne son avis, son impression, narre son quotidien. Ils se rencontrent, discutent, se racontent. Chacun dans son genre se révèle attachant même quand il dérape, car oui, certains dérapent. Régis, garagiste lui aussi, qui prend quelques libertés avec l’honnêteté, sans parler de ce « détestable » Henri – le mari d’Hortense –pas vraiment irréprochable. Et il y a Hortense justement, femme forte et généreuse, emplie d’amour pour ses enfants et les nièces dont elle a hérité à la mort de Mathilde sa sœur jumelle. Elle les enveloppe de sa chaleur, les bichonne, les cajole. Et les enfants adoptent ces cousines blessées, les acceptent dans leur nid et partagent l’affection dont ils regorgent.

Une légère fragrance d’eau de rose s’invite parfois dans le bouquet,

mais en filigrane reste cette histoire de cassette, une suspicion et des questionnements qui maintiennent l’intérêt. Beaucoup de thèmes de la vie quotidienne sont abordés, mine de rien, subrepticement,  par petites touches : l’amour, la fidélité, les arrangements avec la vérité, le courage, la fin de vie. Et je n’oublie pas les recettes de plats du soleil qui parsèment la fin de certains chapitres comme des récompenses.

J’ai aimé ces « Dérapages » à savourer à l’ombre d’un pin parasol, un verre de citronnade fraîche à portée de main, le chant des cigales en musique de fond, mais aussi sous la pluie pour retrouver le sourire.

Editeur : Ella Editions
Date de parution : 27 Juillet 2017
Nombre de pages : 225