C’est en 2016, que j’ai écrit cette chronique !
« Chanson douce », le titre de ce roman m’avait laissé imaginer une bluette, une histoire simple, sereine, une histoire quelque peu sirupeuse, suave, délicate. Quelle ne fut pas ma stupeur à la lecture de son premier chapitre – deux pages et demie –  conclu par une phrase lapidaire :

« Adam est mort, Mila va succomber ».

A partir de ces quelques lignes énoncées de manière claire, sèche, précise, tel un procureur décrivant une scène de crime, nous plongeons dans l’horreur : deux enfants assassinés à leur domicile sont découverts par leur mère rentrée plus tôt que prévu de son travail. Ce n’est pas dévoiler l’essentiel du roman que d’en résumer ainsi le début car l’important réside ailleurs.

L’important est d’abord dans l’écriture de Leïla Slimani. J’ai aimé ce style juste parsemé de quelques petites touches poétiques, direct, concis et d’autant plus percutant. L’important est aussi dans l’utilisation du présent qui nous plonge totalement au cœur de l’action. Il l’est encore dans le choix des personnages simples, presque banals. Un couple, Myriam et Paul, vit heureux avec ses deux enfants. Mais Myriam ressent le besoin de reprendre le travail qu’elle avait abandonné à la naissance du premier. Ils trouvent une nounou, exceptionnelle, qui devient même très vite indispensable… oui, mais…

… Très rapidement l’ambiance se révèle pesante.

Louise, la nounou, est étonnante, parfaite mais parfois bizarre, irréprochable et pourtant singulière, douce et soudain violente. Petit à petit l’angoisse se fait sentir, les questions affleurent, le doute s’installe. La nounou est-elle vraiment ce qu’elle paraît ? L’auteur décrit à merveille la vie du jeune coulpe, englué dans le quotidien, la pression liée au travail, le souci du lendemain. Elle nous dresse d’aussi belle manière le portrait de la fameuse nounou tout à coup dérangeante. J’ai beaucoup aimé ce qu’elle nous dit à travers eux.  Car elle nous parle de la vie, de la nôtre, de nos rapports avec les autres, des différences d’éducation et de culture et de ce qu’elles entraînent, du pouvoir de l’argent. Elle parle de la difficulté que nous avons parfois à prendre la mesure de ce qui nous entoure, la difficulté à accepter de comprendre ce qui risque de nous déranger. J’ai aimé aussi cet montée en puissance du suspens, cette impression d’être happée dans un tourbillon de folie. Leïla Slimani distille les indices à petite dose, nous prend discrètement à témoin, nous donne envie de dire « attention, regardez ce qui se trame », Elle nous empêche tout à coup de respirer. C’est beau, c’est fort, c’est à la fois insoutenable et addictif. C’est un véritable coup de poing dans le cœur.

« Chanson douce », un magnifique roman. Et aujourd’hui, après le Prix Goncourt elle vient d’obtenir le Grand Prix des Lectrices de Elle.

Editeur : Gallimard
Date de parution : 18 Août 2016
Nombre de pages : 240