Il raconte l’après, après l’enlèvement d’une famille par des terroristes dans un désert, après la libération d’un seul des cinq membres de cette famille composée des parents et de trois fils. Baptiste est en effet le seul… et nous assistons à son interrogatoire par une personne non identifiée. Difficile, en effet, de savoir s’il s’agit d’un psychologue destiné à aider Baptiste, devenu Yumaï, ou d’un agent en recherche d’informations sur les ravisseurs, leurs pratiques, le lieu de détention, ou les deux à la fois.

Les chapitres alternent entre interrogatoires et récit intérieur de l’adolescent. J’ai beaucoup aimé ce roman d’une grande force, d’une profondeur indicible, servi par une écriture si simple qu’elle n’interfère en rien dans l’importance des faits. Le dialogue fait de phrases courtes chiches en ponctuation, de questions sans réponses, d’informations livrées sans être sollicitées, sublime les éclaircissements révélés, par bribes, avec douleur. Baptiste est là, certes, mais ailleurs aussi, il a oublié, peut-être, ne souhaite pas dévoiler, sûrement. Il est interrogé mais c’est lui qui mène la conversation… il est des choses qu’il ne veut pas, ne peut pas divulguer. Alors forcément le dialogue est haché, les blancs nombreux, le mutisme récurrent. Et puis vient le récit intérieur de sa mémoire qui petit à petit renaît, les descriptions minutieuses des endroits, de sa vie là-bas où, quelque part il est resté. On s’imprègne de la douleur, de la souffrance, des humiliations, et, parfois d’un espoir, d’un désir d’y retourner,

« J’aimerais retourner là-bas rien que pour le ciel, la nuit, la magie des étoiles ». Et puis il y a la grotte et ses dessins… »Ces choses sont la preuve que les hommes de ce temps adoraient les djinns comme des dieux, qu’ils étaient des égarés. Je t’ai laissé dans cette grotte (c’est Amir, l’un de ses geôliers qui parle) pour que tu comprennes cela. Que tu voies à quoi ressemble un temple d’égarés avec toutes ces images sacrilèges qu’ils ont dessinées. On va jeter des pierres sur ces icônes illicites, puis on va les cribler de balles et pour finir on fera tout exploser. »

Et je ne peux m’empêcher de penser à Palmyre. Et le dialogue reprend, difficile, douloureux.

Véritable plongée dans le cœur et la tête d’un adolescent à la personnalité volée par des êtres manipulateurs, à la fois violents et fascinants, étude méticuleuse de leurs procédés, sérieuse réflexion sur le jihad, le récit, sidérant, impensable mérite amplement les prix dont il a été couronné.

Editeur : Gallimard
Date de parution : 1er Avril 2016
Nombre de pages : 208