Quatre petits récits différents, se retrouvent sur un même thème : l’ailleurs, comme son titre le laisse penser. L’ailleurs, temporel, géographique, mais aussi en soi, une sorte de perte de son esprit, un vagabondage dans l’intime. C’est mystérieux, autant rêve que réalité.

Il y a d’abord l’histoire de Khachik,

un soldat russe qui trente ans auparavant à Berlin, était sur le mur. L’ouest lui semblait alors si lointain. Il est question de l’autre, des différences. Puis « Ailleurs » raconte celle d’un homme qui va rejoindre la femme aimée dans un pays qui lui est étranger… Dans « Larmes de Crépuscule », Yaëlle se débat dans les méandres de son esprit ici, ou plutôt ailleurs, qui cherche

« dans le trou de sa mémoire, creuse, reconstitue la scène à partir de ciment saupoudré. Une photographie ? »

et la lectrice que je suis tente de démêler le vrai, le faux, le drame qui s’est joué. Pour terminer, on se retrouve dans une gare, les trains passent et s’en vont sans que l’on sache ce que font les voyageurs, ni ce qu’ils sont

« Les rails y filaient. Timidement, la plaine en était coupée. Ils allaient de la Gare au là-bas que murmuraient les contes, ceux du soir, partagés dans les crépitements de l’orage, sous l’intimidation des nuées basses – et on conjurait la fureur et les craintes par des mots glissés à l’entour du feu. »

La lumière est peu présente et les textes sombres nous entraînent dans une fuite vers l’inconnu, une fugue en quelque sorte. Je me suis souvent perdue dans les méandres des obsessions mises en scène par l’auteur. Mais l’écriture est tellement éblouissante, les mots recherchés, les phrases travaillées que le plaisir est tout entier dans la musique qui s’en élève. Après tout, écrire c’est aussi transporter, émerveiller, appeler à la réflexion, au voyage des idées. J’ai particulièrement aimé « Yaëlle » pour la virée dans la folie, les idées embrumées de substances illicites, la recherche obscurcie de soi, les pérégrinations mentales.

Lire un tel ouvrage n’est pas un long fleuve tranquille, mais il est tellement riche et peuplé de mots magnifiques qu’il en devient une ballade au pays des merveilles.

Editeur : l’Age d’homme
Date de parution : 15 Août 2017 en Suisse et 8 Janvier 2018 en France
Nombre de pages : 145